LA RARÉFACTION DES RESSOURCES NATURELLES PROVOQUE DES CONFLITS INTERCOMMUNAUTAIRES ET LE DÉPLACEMENT DE MILLIERS DE PERSONNES

AU CAMEROUN, LA RÉGION DE L’EXTRÊME-NORD EST AUJOURD’HUI LE THÉÂTRE D’UNE CRISE HUMAINE ET HUMANITAIRE QUI A DÉJÀ DÉPLACÉ PLUS DE 380 000 PERSONNES EN 2021.

Cette crise se caractérise premièrement par les incursions répétées des groupes armés non étatiques dans les communautés proches de la frontière avec le Nigéria et ce depuis plusieurs années. Ces incursions provoquent des déplacements de la population ainsi que la détérioration du tissu socioéconomique local étant donné les pillages et les violences que les villageois subissent. Au-delà de l’insécurité, cette région fait également face aux faiblesses structurelles que connait la région du Sahel, auxquelles s’ajoute une crise climatique avec des saisons culturales perturbées.

Enfin, depuis peu, une nouvelle crise intercommunautaire due à la raréfaction des ressources essentielles vient s’ajouter à ce tableau sombre qui impacte déjà lourdement la vie des populations.

L’EAU, UNE RESSOURCE RARE EXACERBANT LES TENSIONS LIÉES À LA TRANSHUMANCE ET FRAGILISANT LE TISSU SOCIAL

La crise climatique que connait la région déstabilise les dynamiques et la cohabitation avec les communautés pastorales qui occupent de manière saisonnière des terres et puisent de l’eau dans les aires cultivées par les agriculteurs. La pression sur les ressources naturelles partagées – déjà rares – induit des conflits entre agriculteurs et éleveurs qui se développent en conflits intercommunautaires/interethniques armés et produisent des déplacements massifs de populations.

Un tel conflit a éclaté en décembre 2021 et selon l’Organisation Internationale pour les Migrations, 32 901 personnes supplémentaires se sont déplacées au Cameroun et 35 784 personnes ont trouvé refuge au Tchad.

Ces déplacements sont la conséquence de violences intercommunautaires qui se sont déclenchées dans le Département du Logone-et-Chari entre les communautés Massa/Mousgoum et Arabes Choa. Un litige lié à la transhumance, et plus précisément à la gestion de l’eau, est à l’origine de ces affrontements. En effet, la région connait de longues périodes de sécheresse dues au dérèglement climatique et les ressources en eau se font de plus en plus rares. Le bilan fait déjà état de nombreuses pertes en vies humaines et matérielles, plusieurs biens emportés et de nombreuses personnes blessées.

LA PRÉCARITÉ INDUITE PAR LES DÉPLACEMENTS 

A leur arrivée dans les localités d’accueil, les personnes déplacées s’installent soit sur des sites spontanés octroyés par les chefs traditionnels de ces localités, soit dans des familles d’accueil. Les localités d’accueil sont principalement les départements du Diamaré (Maroua 1, 2, 3, Pétté et Bogo) et du Mayo-Sava (Mora, et plus précisément Tagawa). Pour leur survie, les nouveaux arrivants construisent des abris d’urgence en paille, pagne et piquets. Ces familles vivent essentiellement de dons. Les chef-fe-s de ménages sont obligé-e-s de retourner dans leur village d’origine au risque de se faire kidnapper ou tuer pour garder les cultures qui sont menacées par les oiseaux migrateurs et granivores. Ils/elles procèdent à la récolte précoce de leurs champs afin de pouvoir alimenter leurs familles sans attendre la maturation des cultures. Le mil brûlé lors des affrontements dans les villages d’origine est amassé puis écrasé et consommé par certains ménages déplacés faute d’aliments plus sains et adaptés et les récoltes précoces ainsi que la destruction des champs les empêchent d’avoir des réserves de nourriture pour affronter la période de soudure.

Action contre la Faim à travers son mécanisme de réponse rapide (RRM), en partenariat avec Première Urgence Internationale et avec l’appui financier du service Protection Civile et opérations d’Aide Humanitaire Européennes (ECHO), s’est déployée sur le terrain dès les premières heures des arrivées, pour conduire une évaluation multisectorielle rapide des besoins de ces populations avec l’accompagnement d’autres partenaires.

Nos équipes ont pu évaluer les besoins les plus urgents de ces familles déplacées qui font face à de grandes difficultés concernant l’accès aux vivres, à l’eau, aux articles ménagers et aux abris. Les ménages vivent dans la plus grande promiscuité et certains n’ont pas d’abri pour dormir. Aussi, de nombreux nourrissons, enfants et adultes souffrent de fièvre et de toux mais n’ont pas accès à la santé, de par la distance entre les sites d’accueil et les structures sanitaires, ou n’ont pas les moyens de consulter, les soins de santé primaire étant payants. Plus d’une centaine d’enfants se retrouvent aussi déscolarisés et les parents se retrouvent dans l’incapacité de les réinscrire à nouveau faute de moyens financiers et de perspectives sûres sur l’évolution du conflit et les possibilités de retour. A cela s’ajoute une forte détresse psychologique pour certaines personnes.

Le rapport d’évaluation multisectorielle rapide du RRM a été produit et partagé avec la communauté humanitaire par l’équipe d’Action contre la Faim RRM. Cela a permis à plusieurs partenaires (CICR, PAM, OIM, HCR, NRC, IRC, Solidarités International, plan international) d’intervenir dans les sites évalués pour répondre aux besoins identifiés.

A l’issue de cette évaluation, 9 101 personnes ont été ciblées dans les sites d’accueil par Action contre la Faim dans les Départements du Diamaré et du Mayo-Sava. Notre équipe a fourni à chaque famille des articles ménagers essentiels, des abris, des kits d’hygiène intime pour les femmes et une assistance alimentaire via des transferts monétaires. Nous avons également procédé à la réparation de points d’eau, la construction de latrines d’urgence et la distribution des kits Eau, Assainissement et Hygiène pour les personnes déplacées installées dans les deux départements.