LE 17 MARS 2020 MARQUAIT LE DÉBUT DU 1ER CONFINEMENT ET DE LA VAGUE DE PANDÉMIE COVID-19 QUI A FRAPPÉ LES ESPRITS ET QUI EST TOUJOURS D’ACTUALITÉ AUJOURD’HUI.

Cette date marque aussi le renforcement des activités de la mission d’Action contre la Faim en France, débutée fin 2019. Plus de deux ans après, quelles sont les leçons tirées de nos opérations au niveau national et les enjeux à venir ?

Entretien avec Hélène Quéau, responsable de la mission pour Action contre la Faim en France.

POURQUOI ACTION CONTRE LA FAIM A DÉCIDÉ D’INTERVENIR EN FRANCE ?

Notre volonté d’intervenir en France ne date pas du début de la pandémie, mais bien avant. Depuis la fin des années 90, Action contre la Faim est présente en France à travers ses différentes délégations en régions, mais celles-ci ont davantage un mandat de sensibilisation et de participation aux événements en local. Cette envie d’agir en France s’est accentuée suite à la crise de l’accueil en Europe en 2015 et de l’urgence à répondre aux besoins d’accès aux services de base, aux droits et à la santé pour les personnes migrantes.

Le tissu associatif en France dans le domaine de l’accès à l’alimentation, comme une lutte contre la précarité, est très solide et nous ne voulions pas être l’association de plus. En revanche, après une première phase d’enquête de connaissances des acteurs de terrain et des besoins des personnes, on s’est rendus compte que ces acteurs se posaient de nombreuses questions. Ils étaient confrontés à des défis pour adapter leur réponse à la diversité des situations et des conditions de vie des personnes précaires et à leurs besoins, qui ont beaucoup évolué. Que faire quand vous distribuez des produits à cuisiner aux personnes qui viennent sur votre distribution alors qu’une partie d’entre elles vivent à la rue ou en hôtel sans accès à une cuisine ? Comment adapter ce que vous distribuez, aux régimes alimentaires des personnes, à la composition de leurs familles, à leurs contraintes de transport et de temps, etc ? Comment les accompagner pour ne plus dépendre de votre aide ?

Notre plus-value, c’est notre expertise sur les domaines alimentaires et nutritionnels. C’est notre expérience de terrain de plus de 40 ans qui nous amène à construire des méthodes pour toujours s’adapter à des besoins divers et changeants et apporter notre regard neuf sur le contexte français. C’est pourquoi, l’urgence n’était pas de créer une mission supplémentaire mais de renforcer l’existant en travaillant en appui et en complémentarité avec les associations de terrain pour améliorer la prise en charge des personnes concernées.

EN QUOI CONSISTE L’ACTION EN FRANCE ?

Nos opérations ont débuté à la fin de l’année 2019 car, avant la crise, les chiffres étaient déjà très éloquents : près de 5,5 millions de personnes étaient dépendantes des mécanismes d’aide alimentaire. L’arrivée de la pandémie Covid-19 a mis en exergue les inégalités sociales provoquant une crise socio-

économique majeure, frappant en premier lieu les personnes les plus précaires. Face à la dégradation de leur situation, on s’est fortement mobilisés pour répondre à leurs besoins grandissants. On est vite intervenus, en priorité sur Paris mais aussi à Marseille en renfort d’autres associations sur le terrain comme Médecins du Monde ou les Restos du Cœur sur l’accès à l’eau et à l’hygiène dans les squats et bidonvilles, enjeu majeur aux prémices de l’épidémie, mais aussi en appui aux distributions alimentaires mobiles de la Fondation Armée du Salut, qui est un de nos partenaires clés sur le terrain.

Les profonds bouleversements survenus suite à la pandémie de Covid-19 ont conduit nos deux structures à multiplier les actions en la matière et à mettre en place début 2020 un partenariat dans la durée. Ce partenariat a permis de construire un projet pilote en lien avec l’Etat et la Ville de Montreuil en impliquant également différentes associations de quartiers et collectifs citoyens.

Ce projet appelé ‘Passerelle’ vise à réduire la précarité, notamment alimentaire, dans la commune de Montreuil en aidant des familles à couvrir leurs besoins prioritaires via des transferts monétaires et l’accompagnement à des services sociaux adaptés.

QUELS SONT LES PREMIERS RÉSULTATS ET PROJETS À VENIR ?

Depuis 2019, nos actions directes et nos appuis aux partenaires opérationnels, ont permis de venir en aide à près de 50 000 bénéficiaires. Notre intervention va au-delà de l’aspect opérationnel car nous travaillons aussi main dans la main avec d’autres associations via des actions de plaidoyer et de relais de la voix des plus précaires pour influencer les politiques publiques en participant à la rédaction et promotion de rapports sur la question de la précarité en région PACA ou encore plus récemment sur la publication d’un rapport sur les conditions d’accueil de demandeurs d’asile à Paris.

On multiplie notre soutien à d’autres partenaires comme des associations étudiantes (Cp1 Solidarités Étudiantes ou RESAAH), l’association MaMaMa, qui vient en aide à des mères isolées en Seine St Denis, un groupe d’acteurs portant le projet Dada à Marseille pour aider les personnes logées à l’hôtel, les Restos du Cœur avec une enquête nationale auprès de leurs publics, etc… La liste est longue, nous essayons vraiment d’échanger avec tous les acteurs et d’apporter d’une manière ou d’une autre un soutien à leur action. En 2021, nous avons ainsi interagi avec et appuyé de différentes manières plus de 140 structures !

Ce soutien se fait notamment au travers de nos enquêtes de terrain où nous allons avec les équipes de partenaires écouter la parole des personnes concernées et mieux comprendre leurs besoins et leurs attentes, suite à quoi nous travaillons avec les acteurs pour adapter leur aide. Cela passe aussi par la mise en place de sessions de formations pour les acteurs de l’aide, notamment bénévoles, afin de lieux les préparer et les aider à prendre du recul sur leurs actions.

Nous aimerions également pouvoir dupliquer le projet Passerelle en tirant des leçons de l’initiative en cours, dans le 93 et/ou dans d’autres ville, pourquoi pas à Marseille, et continuer à réfléchir avec nos partenaires sur des approches innovantes et adaptées à l’évolution des besoins. Nous allons aussi nous mobiliser pour répondre aux besoins accentués par la crise en Ukraine, à la fois pour les personnes exilées venues d’Ukraine ou d’ailleurs dont les besoins de soutien psychosocial vont être importants mais aussi des familles les plus précaires qui vont être les premières impactées par les hausses de prix liées à la crise.